La morphosyntaxe expliquée aux parents
Comprendre ce que c’est et pourquoi c’est important
Lorsque son enfant présente un trouble DYS, la prise en charge orthophonique apparaît souvent comme une réponse rassurante, structurée, professionnelle.
Les parents ont alors tendance à s’effacer, pensant que leur rôle s’arrête à l’organisation pratique : prendre les rendez-vous, accompagner, rassurer.
Pourtant, leur présence active dans le parcours de rééducation est déterminante. Encore faut-il savoir comment agir, sans se tromper de posture.
Voici cinq erreurs courantes que font de nombreux parents — et les leviers concrets pour les dépasser.

Qu’est-ce que la morphosyntaxe?
C’est un mot un peu technique qui combine morphologie + syntaxe :
- Morphologie = la structure des mots (comment ils se construisent, se transforment).
- Syntaxe = la structure des phrases (comment on organise les mots entre eux).
👉 La morphosyntaxe, c’est donc l’ensemble des règles qui permettent de construire des phrases correctes, cohérentes, et compréhensibles.
1. La morphologie, c’est par exemple :
Les accords :
Les enfants mangent. → on met un -s à « enfants » et à « mangent ».Les formes verbales :
Je mange / Tu manges / Il mange / Nous mangeons…
→ L’enfant doit comprendre que le verbe change selon le sujet.Les dérivations :
Lire → lecteur, lecture, relire, illisible…
→ Cela permet de comprendre ou de deviner des mots nouveaux.
2. La syntaxe, c’est par exemple :
L’ordre des mots :
Le chien mange le chat ≠ Le chat mange le chien
→ Même mots, sens complètement différent.Les types de phrases :
Est-ce que tu viens ? / Tu viens ? / Viens-tu ?
→ Même intention, structures syntaxiques différentes.Les phrases complexes :
Le garçon que j’ai vu à l’école est parti en vacances.
→ L’enfant doit comprendre la proposition relative (« que j’ai vu… »).
Table des matières
- Pourquoi la morphosyntaxe est-elle importante pour ton enfant ?
L’impact de la morphosyntaxe est majeur sur le développement global du langage, la réussite scolaire et les compétences de communication. Voici ce qu’elle influence directement :
La compréhension orale et écrite
Un enfant qui maîtrise mal la morphosyntaxe :
- ne comprend pas les phrases complexes (relatives, passives, subordonnées),
- interprète mal le sens (ex. : qui fait quoi ? dans quelle chronologie ?),
- est perdu face à des consignes scolaires un peu longues ou tournées de façon indirecte.
👉 Pour comprendre une phrase, il faut en comprendre la structure.
L’expression orale et écrite
Une syntaxe faible = un langage limité :
- des phrases simples, peu précises, mal articulées,
- des erreurs d’accords, de conjugaisons, de structure,
- de la difficulté à se faire comprendre à l’oral ou à l’écrit.
👉 Résultat ? l’enfant se censure, évite de s’exprimer, ou est mal compris.
Les apprentissages scolaires
Tous les apprentissages passent par le langage :
- comprendre une consigne,
- expliquer un raisonnement,
- rédiger un texte,
- justifier une réponse.
👉 Un enfant qui ne maîtrise pas la morphosyntaxe est pénalisé dans toutes les matières, même s’il comprend bien « le fond ».
La qualité des interactions sociales
La morphosyntaxe permet de :
- nuancer ses propos (« je pense que », « peut-être », « avant que… »),
- expliquer une idée de façon logique et structurée,
- comprendre les implicites dans les échanges.
👉 Une faiblesse morphosyntaxique peut entraîner des malentendus ou une mauvaise interprétation sociale.
En orthophonie, on travaille la morphosyntaxe pour :
renforcer les accords (sujet-verbe, nom-adjectif),
améliorer la compréhension des structures complexes,
développer la précision dans le langage oral et écrit,
poser une base solide pour la compréhension en lecture.
Quelles sont les causes d’une faiblesse en morphosyntaxe ?
Repérer les causes permet de mieux accompagner l’enfant. Une faiblesse en morphosyntaxe peut avoir plusieurs origines. Elles ne s’excluent pas : souvent, plusieurs facteurs s’additionnent.
Voici les principales, classées par catégorie :
1. Trouble du développement du langage oral (TSL / dysphasie)
C’est la cause la plus fréquente et la plus marquée.
Ces enfants ont du mal à comprendre et produire des structures grammaticales complexes, dès le plus jeune âge.
Ils oublient les petits mots grammaticaux (« est », « que », « de », etc.).
Ils parlent en phrases « télégraphiques » : « Moi aller école », « Chat monté arbre »
Ils ne comprennent pas les tournures comme :
« avant que », « alors que », « que tu as vu », etc.
📚 Leroy & Maillart (2016) : les enfants TSL ont souvent une morphosyntaxe limitée et peu évolutive sans prise en charge.
2. Trouble des apprentissages du langage écrit (ex : dysorthographie)
La morphosyntaxe est liée à l’orthographe grammaticale.
Si un enfant ne « sent » pas la grammaire, il aura :
- du mal à accorder (les garçon joue),
- à choisir entre les homophones (et/est, a/à, son/sont)
- à structurer des phrases correctement à l’écrit.
📚 Berthiaume et Daigle (2014) : les enfants dysorthographiques font significativement plus d’erreurs de morphologie flexionnelle (accords).
3. Manque d’exposition à un langage structuré
Un enfant qui a peu d’interactions riches (peu de lecture, peu de conversations complexes) va :
entendre moins de phrases longues ou complexes,
ne pas « intérioriser » la grammaire de manière implicite.
🔁 Le langage se développe en entendant du langage structuré.
4. Langue maternelle différente du français (ou bilinguisme non soutenu)
Quand un enfant apprend le français comme langue seconde, il peut :
calquer la structure de sa langue maternelle,
avoir un développement morphosyntaxique plus lent.
📚 Paradis (2010) : les enfants bilingues peuvent mettre plusieurs années à stabiliser la morphosyntaxe, surtout s’ils n’ont pas un bon input scolaire ou familial.
5. Déficit cognitif / retard global de développement
Les enfants avec un trouble du développement intellectuel ont souvent un langage limité :
phrases très simples,
pas de subordination,
morphologie réduite.
Leur grammaire reste proche de celle d’un enfant plus jeune.
6. Trouble attentionnel (TDA/H)
Ce n’est pas un trouble du langage, mais l’inattention empêche l’enfant de :
percevoir les petits mots grammaticaux,
suivre des phrases longues,
utiliser des structures complexes.
Exemple typique : sauter un « ne », oublier un « que », ou changer de sujet en pleine phrase.
7. Trouble des fonctions exécutives (flexibilité, mémoire de travail)
Produire et comprendre des phrases complexes nécessite de :
planifier la phrase,
retenir les éléments jusqu’au bout (ex : sujet + verbe + complément),
s’adapter si la structure est inhabituelle.
Les enfants dysexécutifs (TDAH, TSA, dyspraxie verbale…) ont souvent une syntaxe plate, rigide ou hachée.
Comment développer les compétences en morphosyntaxe de son enfant ?
En tant que parent, tu peux jouer un rôle important dans le développement de la morphosyntaxe, sans faire de l’école à la maison, juste en utilisant le quotidien et le langage naturellement.
Voici des pistes simples, efficaces et sans matériel pour stimuler la morphosyntaxe à la maison 👇
1. Modèle riche et reformulation bienveillante
Quand ton enfant parle avec une phrase incorrecte, ne le corrige pas frontalement. Reformule correctement, naturellement.
Exemple :
👧 « Moi pas allé école. »
👩 « Ah oui ? Tu n’es pas allé à l’école ce matin ? »
🎯 Objectif : lui donner un modèle correct, sans le braquer ni le forcer.
Lire à voix haute des livres avec un langage soutenu
Choisis des albums avec des phrases riches (subordonnées, pronoms, passif…). Lis lentement et avec l’intonation !
Astuce :
Fais une petite pause de temps en temps pour lui demander : « Tu peux me redire ce qu’il a fait ? Qui parle ici ? Pourquoi elle dit ça à ton avis ? »
L’idée est de l’exposer à des structures de phrases complexes dans un contexte qui le motive.
3.Jouer avec les phrases
Jeu : « Tu peux dire autrement ? »
Tu dis une phrase, et tu proposes à l’enfant de la transformer :
- active → passive : « Le chat mange la souris » → « La souris est mangée par le chat »
- affirmation → question : « Il regarde la télé. » → « Est-ce qu’il regarde la télé ? »
présent → passé : « Elle court. » → « Elle a couru. »
Objectif : flexibilité syntaxique + conscience des structures.
4. Construire des phrases à partir d’images
Prends une image (ou une planche de BD sans texte) et demande-lui :
Qui ?
Fait quoi ?
Où ?
Quand ?
Avec qui ?
Puis reformulez ensemble une phrase complète :
« Le garçon joue dans le jardin avec son chien après l’école. »
Objectif : enrichir les phrases avec des compléments, structurer le discours.
5.Inventer des histoires avec contraintes
Tu donnes des éléments et ton enfant doit les intégrer dans une phrase ou une mini-histoire :
un pronom (il), un verbe au passé (a couru), un lieu (dans la forêt).
- une conjonction, un personnage (la sorcière), un objet (une clé).
Objectif : mobiliser des structures complexes de manière ludique.
6. Intégrer la grammaire dans la vie quotidienne
En parlant naturellement pendant :
Tu mets les assiettes pendant que je prépare la salade. »
les trajets : « Quand on sera arrivés, on ira voir papi. »
- les routines : « Après que tu te sois lavé les mains, viens mettre la table. »
Objectif : exposition fréquente à des structures subordonnées, temps composés, pronoms.
En résumé :
Pas besoin de fiche de grammaire. Ce qu’il faut, c’est :
- parler, écouter, reformuler,
- lire et jouer avec la langue,
- encourager les phrases complètes,
- rendre la grammaire vivante et utile.
Quelle est la définition de la morphosyntaxe
La morphosyntaxe, c’est l’ensemble des règles qui permettent de former des phrases correctes.
Elle combine la morphologie (structure des mots, accords, conjugaisons) et la syntaxe (ordre des mots, types de phrases).
Une difficulté en morphosyntaxe peut être liée à un trouble du langage oral (comme un TSL ou une dysphasie), à un trouble de l’écrit (comme la dysorthographie), à un manque d’exposition à un langage structuré (notamment chez les enfants bilingues ou peu stimulés verbalement), ou encore à des troubles cognitifs, attentionnels ou exécutifs (comme un TDAH ou un trouble dysexécutif).
Quel est l’impact de la morphosyntaxe ?